Engagements climatiques : Apprentissages clés relatifs à la saison des circulaires de 2021 et conséquences pour les entreprises canadiennes

juillet 2021

La saison des circulaires de 2021 a clairement démontré que le pilier environnemental des facteurs ESG continue d’être une priorité pour les parties prenantes. Notamment, l’engagement marqué dans la lutte contre les changements climatiques cible les entreprises sous plusieurs angles. Cet article présente un aperçu des récentes pressions des actionnaires concernant les objectifs d’émissions dans le secteur de l’énergie, y compris les faits saillants de la saison des circulaires de 2021 aux États-Unis et les conséquences pour les entreprises canadiennes et les petits producteurs.

Bien que le pilier « S » des facteurs ESG se soit retrouvé au centre des discussions pendant une grande partie de l’année 2020 en de la pandémie, la saison des circulaires de 2021 a démontré que l’aspect « E » est toujours d’actualité. En effet, les attentes concernant la mise en œuvre d’actions et une divulgation claire prennent de plus en plus d’importance. Cet article présente un aperçu de la pression actuelle envers les cibles d’émissions dans le secteur de l’énergie, y compris les faits saillants de la saison des circulaires 2021 aux États-Unis, et les conséquences pour les entreprises canadiennes et les petits producteurs.

Activisme actionnarial envers les grandes sociétés pétrolières

Les actionnaires activistes et les poursuites judiciaires engagées contre les grandes sociétés pétrolières avant leurs assemblées générales de 2021 ont étonné de nombreux observateurs de l’industrie :

ExxonMobil –  Un ensemble complexe de problématiques a mené à l’élection de trois administrateurs dissidents au conseil d’administration. L’inquiétude des actionnaires activistes concernant l’absence de progrès de l’entreprise en matière de réduction des émissions et de transition énergétique était au cœur de ce litige. Les dissidents ont remis en question le manque d’expérience de l’industrie perçu au sein du conseil d’administration. Ils ont également exprimé des inquiétudes quant au fait que les programmes de rémunération des hauts dirigeants se concentrent trop sur la production et la croissance ; ces programmes ne démontrent pas assez de rigueur en ce qui concerne les objectifs d’émissions et n’incitent pas la direction à envisager les avantages d’une transition énergétique. Pour plus de détails, lisez l'article complet ici.

Chevron – 61 % des actionnaires ont voté en faveur d’une proposition de réduction des émissions de catégorie 3, c’est-à-dire toutes les émissions indirectes qui interviennent dans la chaîne de valeur de l’entreprise (les émissions de tous les fournisseurs et les clients de l’entreprise).

La proposition n’oblige pas Chevron à s’engager sur un objectif de réduction à échéance fixée. Bien que le concept de réduction des émissions de catégorie 3 soit quelque peu controversé au sein de la communauté des investisseurs, le soutien de 61 % des actionnaires à la proposition montre une frustration croissante envers les entreprises qui ne semblent pas s’engager de manière proactive à gérer leurs contributions au changement climatique. Pour plus de détails, lisez l'article complet ici.

Royal Dutch Shell – Un tribunal néerlandais a ordonné à Royal Dutch Shell de réduire ses émissions plus rapidement que ne le prévoit la politique climatique actuelle de l’entreprise. Le tribunal néerlandais a ordonné à l’entreprise de réduire ses émissions de 45 % d’ici 2030 par rapport à leurs niveaux de 2019. Ces exigences sont comparables à l’engagement climatique actuel de Shell de réduire ses émissions de 20 % d’ici 2030, de 45 % d’ici 2035 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Alors que Shell a l’intention de faire appel de la décision, cette affaire juridique historique pourrait amener les entreprises, les régulateurs et les législateurs à exercer davantage de pression sur les objectifs de réduction des émissions. Pour plus de détails, lisez l'article complet ici.

Il convient de souligner que les pressions sur les objectifs d’émissions continuent de provenir principalement des actionnaires. Ces derniers vont au-delà de l’engagement avec les entreprises dans le but de tirer parti d’un éventail de tactiques, notamment les courses aux procurations, les propositions d’actionnaires et le système juridique.

Les conséquences pour les entreprises canadiennes

Bien que les sociétés canadiennes inscrites au TSX60 n’aient pas connu un degré élevé d’activisme actionnarial public au cours de cette saison de procuration, nous pensons que la pression pour prendre des engagements directs en matière de réduction des émissions et de transition énergétique (ainsi que pour fournir des informations connexes) se fera sentir au nord de la frontière, si ce n’est pas déjà le cas. Alors que de nombreuses entreprises de l’industrie pétrolière et gazière s’efforcent de développer et de communiquer leur stratégie en matière d’émissions et de transition énergétique, les événements mentionnés ci-dessus pourraient accélérer les initiatives en cours. Au cours des dernières semaines, des annonces telles que l’initiative pour des sables bitumineux carboneutres (une alliance entre les cinq plus grands producteurs, représentant 90 % de la production des sables bitumineux — https://www.oilsandspathways.ca) et l’Alberta Carbon Grid entre Pembina Pipeline Corporation et Trans Canada Energy (https://www.pembina.com/operations/projects/alberta-carbon-grid-proposed)  ont démontré que les émissions et la réduction de l’empreinte carbone représentent des priorités pour bon nombre des plus grands acteurs du secteur de l’énergie au Canada.

Au-delà du secteur de l’énergie, la revue de Hugessen des circulaires d’information de 2021 des entreprises du TSX60 a démontré que 54 entreprises ont divulgué un objectif lié au climat dans leur circulaire de 2021 et 25 d’entre elles ont déclaré avoir un objectif de carboneutralité ; 2050 étant le calendrier de réalisation le plus courant. Alors que la plupart des entreprises qui ont de telles cibles sont dans les secteurs des ressources (compagnies pétrolières et gazières ou compagnies minières), toutes les grandes banques (Banque Scotia, RBC, TD, BMO, CIBC, Banque Nationale) ont également annoncé des objectifs de carboneutralité. Les banques ayant tendance à être à la pointe des tendances en matière de gouvernance, nous nous attendons à ce que l'adoption et la divulgation des objectifs liés au climat continuent d'évoluer rapidement.

Les conseillers en procuration (ISS et Glass Lewis) et les actionnaires institutionnels n’ont pas encore explicitement demandé aux entreprises canadiennes de communiquer leurs intentions concernant les objectifs d’émissions, mais il est probable que ces conversations commencent à se dérouler à huis clos. L’importance croissante accordée aux facteurs ESG dans les rapports des conseillers en procurations et les lignes directrices de vote suggère que les conseils d'administration soient poussés à se pencher sur cette question.

Bien que ce sujet soit en constante évolution, vous trouverez ici de plus amples informations sur les lignes directrices de vote de la ISS et de Glass Lewis concernant le rôle du conseil d’administration dans la gestion ESG : https://www.hugessen.com/en/news/iss-glass-lewis-update-guidelines-2021-canada.

Une autre indication de la pression croissante sur les conseils d’administration et sur les entreprises d’exprimer leur position relative aux questions liées au climat est l’introduction du vote consultatif sur les enjeux climatiques (Say on Climate) qui offre aux actionnaires un vote consultatif non contraignant sur le plan d’action de transition climatique d’une entreprise. À ce jour, seules deux entreprises canadiennes (CN Rail et CP Rail) se sont engagées à l’adopter. Cependant, Glass Lewis note que cela a sans doute été la problématique la plus importante de la saison des circulaires de 2021 à l’échelle mondiale. Bien que ce soit une nouveauté, nous nous attendons à ce que le nombre d’entreprises qui mettent en œuvre des votes consultatifs sur le climat augmentera à mesure que l’activisme climatique gagnera en importance et que les parties prenantes exigeront une divulgation de haute qualité sur la stratégie, les objectifs et les mesures ESG, en particulier dans le secteur des ressources.

L’élaboration et la communication de la stratégie et des objectifs ESG relèvent souvent de la compétence de la direction, mais il est maintenant clair que la surveillance de la stratégie ESG représente une responsabilité essentielle du conseil d’administration. Comme indiqué ci-dessus, l’activisme des actionnaires peut cibler les administrateurs (tel que vu chez Exxon) et les parties prenantes s’attendent à ce que le conseil d’administration fasse avancer la stratégie ESG et responsabilise la direction. Les actionnaires commencent à manifester leur volonté d’exprimer leur mécontentement en votant contre les administrateurs et l’attention se porte généralement sur le président du conseil et les autres présidents de comités clés (p. ex. les comités de gouvernance et de rémunération).

Reconnaissant que cette question est complexe, nous proposons ce qui suit pour fournir aux administrateurs quelques considérations initiales :

  • Cela peut paraître évident, mais si votre conseil d’administration n’a pas encore élaboré de stratégie ESG (y compris un plan de réduction des émissions), il est essentiel de vous concentrer sur son élaboration ;
  • Si votre conseil d’administration dispose d’un plan et d’une stratégie ESG clairs, déterminez s’il est communiqué efficacement à l’externe, au-delà d’un rapport traditionnel de responsabilité sociale d’entreprise ;
  • Vous devez considérer l’engagement des administrateurs auprès des parties prenantes sur ce sujet ;
  • Il peut être prématuré pour certaines organisations d’incorporer des objectifs quantitatifs de réduction des émissions dans les régimes incitatifs des hauts dirigeants. Cependant, les conseils d’administration peuvent commencer à examiner comment l’accent mis sur la réduction des émissions et la transition énergétique peut avoir un impact sur les mesures traditionnelles de succès et de performance.
    • Par exemple, comment définir des objectifs ou mesurer le succès à l’aide d’un rendement corrigé du carbone pour des mesures telles que le rendement sur les capitaux propres et le rendement des capitaux investis ? Comment cela changera-t-il le processus habituel de définition des objectifs et des indicateurs de rendement ?

Indépendamment d’où une entreprise se situe dans l’élaboration de sa stratégie d’émissions et de la divulgation connexe, l’accent mis sur le changement climatique s’impose aux administrateurs à de nombreux égards (au-delà des actionnaires institutionnels) et prend rapidement de l’ampleur. Alors que le rôle traditionnel d’un administrateur est de prendre des décisions concernant les affaires de l’entreprise et de superviser la gouvernance, les parties prenantes s’attendent à ce qu’ils soient responsables de tous les aspects de la stratégie, y compris la transition énergétique. Les événements récents ont montré la volonté des actionnaires d’être audacieux et d’agir s’ils pensent qu’une entreprise (et son conseil d’administration) est à la hauteur.