Repenser les incitatifs a long terme et les lignes directrices en matiere d’actionnariat

mars 2015

Introduction

Depuis la crise financière de 2008, il y a eu beaucoup d'attention médiatique et académique concernant la prise de risques excessifs et les difficultés que pose une « vision à court terme », particulièrement la pression de produire des résultats à court terme. En ce qui a trait à la rémunération à base d'actions et à la vision à court terme, certains argumentent que nous avons fait un pas en arrière, bien qu’involontairement.

Ce document est une version abrégée de « Rethinking Long-Term Incentives and Ownership Guidelines » par David Crawford. Il considère le besoin de réorganiser les directives en matière de détention d'actions et d'incorporer des caractéristiques à plus long terme dans la rémunération à base d'actions, le tout dans le but d'aligner la rémunération avec l'expérience à long terme de l'actionnaire.

Bien qu’il nous semble important pour les conseils d'administration et les dirigeants de considérer des possibilités d’amélioration concernant la conception de la rémunération à base d'actions présentées dans ce document, nous réalisons également que s'éloigner significativement des pratiques concurrentielles devrait être mûrement réfléchi. Au final, un programme de rémunération qui ne motive pas une équipe de gestion hautement performante ne sera pas efficace, peu importe les mérites sur lesquels il est basé.

Il est temps de repenser les incitatifs à long terme et les lignes directrices en matière d’actionnariat

L'utilisation des options d'achat d'actions a diminué de façon drastique au cours des 15 dernières années. La première diminution de l’utilisation d’options s'est produite après Enron et la bulle dot.com, menant à un rééquilibrage de la composition des incitatifs à long terme (options d'achat d'actions, des unités d'actions (UAP ou UAR)) et des lignes directrices en matière d’actionnariat souvent appuyées par des UAD. Le deuxième changement majeur s'est produit après l'effondrement du marché en 2008, augmentant encore davantage la pression pour réduire, voire éliminer l'utilisation des options d'achat d'actions.

UAR, UAD et UAP

Véhicules liés à la pleine valeur des actions d'une entreprise qui sont réglés en argent ou en actions à la fin de la période d'acquisition.

UAR - Acquises uniquement en fonction du temps
UAD - Acquises en fonction du temps, mais ne sont réglées qu'à la retraite, la cessation d'emploi ou un changement de contrôle
UAP - Acquises en fonction du temps et de l'atteinte de rendement futur, qui déterminera le nombre d'unités réglées (par rapport à un nombre cible d'unités accordées)

Bien que les actionnaires voient généralement ces changements favorablement, il existe deux conséquences involontaires, mais importantes.

  1. Les lignes directrices en matière d’actionnariat ne répondaient plus à leur objectif et devenaient une formalité au sein de plusieurs entreprises. C'est parce que les UAR, et dans une moindre mesure les UAP, comptaient comme propriété pour répondre à ces lignes directrices. Alors que les attributions d'unités d'actions ont augmenté, les lignes directrices en matière d’actionnariat étaient atteintes sans le besoin d'acheter des actions ou de différer une prime (dans des UAD).
  2. Il n'y a pas de réel incitatif à long terme. Les UAR et les UAP, constituant une portion croissante du RILT, ont normalement un terme de 3 ans seulement. De plus, ceux qui octroient encore des options d'achat d'actions ont encore tendance à avoir des structures qui ne sont pas réellement à long terme.

Bâtir l’actionnariat

Les émetteurs canadiens devraient considérer une évaluation de leur approche concernant les lignes directrices en matière d’actionnariat. En reconcevant ces lignes directrices, un certain nombre d’enjeux devraient être pris en considération, incluant :

  • Alignement à la création de richesse. Plus la richesse générée par la rémunération des dirigeants est importante, plus les niveaux de propriété attendus devraient être élevés. À l'inverse, moins la richesse est importante, moins la propriété devrait être requise.
  • La structure du RILT. La structure, les objectifs et la nature des incitatifs à long terme. La détention des UAR de 3 ans devrait avoir moins de poids que (par exemple) la détention d’UAR de 5 ans ou d’actions réelles.
  • Caractéristiques des actions sous-jacentes. Une évaluation de l'alignement souhaité de l'actionnariat des dirigeants, en tenant compte des caractéristiques des actions sous-jacentes, est importante. Le rendement de l'investissement assujetti à des risques commerciaux externes plus importants devrait nécessiter moins de propriété des dirigeants que les situations où les risques commerciaux externes sont plus modérés. Trop souvent, les lignes directrices en matière d’actionnariat sont structurées comme des niveaux absolus (ex. 2 fois le salaire), indépendamment des enjeux décrits ci-dessus.

Les conseils d'administration et les émetteurs devraient considérer des moyens plus appropriés. Une approche rationnelle pour l'avenir serait de diviser les exigences de propriété en niveaux ou en étapes. Par exemple :

Étape 1 : une directive plus modérée (ex. 2 fois le salaire pour un vice-président directeur) doit être atteinte avec une propriété réelle ou des UAD. Jusqu'à l'atteinte de ces directives, la moitié des incitatifs à court terme et à long terme sont réglés en actions réelles ou en UAD.

Nous notons qu'aux É.-U., les taux de rétention sont assez communs. En réalité, il en existe trois types :

1. Une période de détention liée aux options d'achat d'actions et aux unités d'actions (ex. doit détenir la moitié du gain après impôts ou du règlement pour une période de 9 mois);

2. Des taux de rétention jusqu'à l'atteinte des lignes directrices en matière d’actionnariat (ex. 50 % du règlement après impôts retenu comme propriété);

3. Des taux de rétention qui continuent au-delà des lignes directrices en matière d’actionnariat (ex. 25 % des actions après impôts des règlements de rémunération à base d'actions).

Étape 2 : après l'atteinte de l'étape 1, une directive plus importante (ex. 4 à 6 fois le salaire pour un vice-président directeur) serait établie, et jusqu'à son atteinte, un plus petit pourcentage des profits nets des incitatifs à long terme serait reçu en actions (ex. passer de 25 % à 15 % alors que les niveaux de propriété augmentent).

Approches en matière d'incitatifs à long terme réels

Il est souvent dit que les d'unités d'actions ne peuvent avoir un terme dépassant 3 ans. Il est vrai que certains types de structures d'unités d'actions réglées en argent ont des limites. Cependant, s'ils sont structurés correctement, les incitatifs à long terme peuvent aller au-delà de 3 ans, et nous croyons qu'au moins une partie du RILT pour la plupart des entreprises devrait aller au-delà de 3 ans.

Remarque importante : Les approches fournies dans cette section posent un certain nombre de d’enjeux concernant les impôts, la comptabilité et les titres. Cette section fournit une évaluation à haut niveau. Pour des renseignements plus détaillés sur plusieurs de ces approches, veuillez noter [document CPA : Equity-Based Alternatives to Stock Options]. Ultimement, il est important que les impôts, la comptabilité et les conseils juridiques spécifiques à la situation de chaque émetteur soient bien compris.

Le reste de ce document souligne cinq approches ou structures pour atteindre l'objectif de structurer des incitatifs réels à long terme. Chacune de ces approches aura des avantages et des inconvénients différents en ce qui concerne l'adéquation organisationnelle, les défis structuraux de mesure de la performance, ainsi que les implications concernant les impôts et la comptabilité.

1. Unités d'actions différées (réglées en argent) profitent d'un libellé spécifique dans la loi sur l'impôt qui permet et, en retour exige, que les actions soient différées jusqu'à la retraite ou la cessation d'emploi. À ce jour, l'application la plus répandue est un report volontaire des primes en argent. Cependant, les UAD pourraient faire formellement partie du RILT avec des exigences d'acquisition à plus long terme.

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2. Structures d'unités d'actions réglées en actions. Lorsqu'il existe une réserve pour émettre des actions et que le participant a le droit de recevoir un règlement en actions, la période de report/d'acquisition peut être de plus de 3 ans. En fait, il existe une flexibilité significative dans la façon dont ces plans sont structurés, incluant :

  • Règlement fixe versus règlement flexible. Peut avoir une date de règlement fixe (ex. 5 ans après l'attribution) ou une date de règlement flexible (ex., à tout moment entre l'acquisition et deux ans après le départ du participant de l'organisation avec juste motif).
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  • Option de règlement en argent. Il est possible d'incorporer une option de règlement en argent pour les participants, où le participant a le droit de recevoir un règlement en argent plutôt qu'en actions. Par exemple, à Imperial Oil et Bell Aliant, les récipiendaires peuvent choisir de recevoir une action ordinaire par unité ou un paiement équivalent en argent.

3. Actions après impôts.

Il est généralement mal vu d'avoir à payer des impôts immédiatement lorsque comparé à l'utilisation d'unités d'actions permettant de différer l’impôt. Ceci dit, si le véhicule peut être structuré pour que les impôts payés immédiatement soient acceptables pour les participants et l'émetteur, certaines possibilités intéressantes peuvent émerger:

  • Supplémenter le niveau de financement pour considérer les différences d'imposition. Comme indiqué dans l'exemple ci-dessous, augmenter de 25 % la valeur de l’octroi du régime avec produits après impôts utilisés pour acheter des actions peut compenser les désavantages d’être imposé lors de l’octroi. En fait, le participant a l'avantage ajouté de ne pas être forcé à monétiser à une date de règlement (ce qui est le cas avec les UAD). Du point de vue des émetteurs, en allouant 25 % de plus maintenant, toute responsabilité continue associée à l'attribution est retirée. Dans l'exemple ci-dessous, la dépense d'entreprise totale pour les UAD est de 200 000 $ lors du règlement (ou 100 000 $ plus les coûts de couverture) par rapport à 125 000 $ à l'attribution. Il existe un compromis à passer aux actions après impôts:
  • Du côté négatif, les impôts doivent être payés immédiatement.
  • Du côté positif, ceci peut être compensé par la combinaison de l’augmentation de la valeur de l’octroi (ex. 25 %), des taux d'imposition plus bas lors de la vente, et la flexibilité de continuer à reporter au-delà de ce qui est disponible avec les UAD.
UAD
  • Incorporer des restrictions de vente et réduire la juste valeur imposable. Si elles sont structurées correctement, les restrictions de vente à long terme peuvent réduire la juste valeur imposable. Alors au lieu de payer des impôts sur 100 000 $, la juste valeur imposable peut être réduite à (par exemple) 60 000 $. Les dirigeants principaux pourraient trouver ceci intéressant pour payer ce niveau d'imposition moins élevé immédiatement et avoir des gains en capital et un traitement de dividendes par la suite.

Par exemple, le régime d'unités restreintes de CREIT est conçu comme suit :

CREIT

4. Conditions de performance à long terme. Les régimes réglés en argent peuvent avoir un terme plus long que trois ans s'il existe un « risque important de perte ». Certaines caisses de retraite avec des périodes de performance de plus de 3 ans se basent sur ce « risque important de perte », tout comme plusieurs régimes d'options fictives (ex. Sobeys).

Suncor

5. Amélioration des caractéristiques des régimes d'options d'achat d'actions. La critique la plus importante à l'endroit des options d'achat d'actions est que l’exercice des options, et la vente des actions sous-jacentes, peuvent être planifiés et effectués assez tôt dans le terme de l'option.

  • Exigences de rétention à long terme des actions. Il existe plusieurs façons de structurer ceci en fonction des objectifs et de la façon dont les options s'inscrivent dans le RILT et le programme de propriété d'actions. Nous savons grâce à plusieurs exemples américains que les dirigeants avec des taux de rétention ont tendance à conserver les actions même après la période de restrictions.
  • Période d'acquisition et d'exercice à long terme. Augmenter la période d'acquisition et limiter la capacité d'exécution jusqu'à (par exemple) la deuxième moitié du terme de l'option peut rendre les options des incitatifs qui sont véritablement de long terme. Remarque : l'acquisition dans le but de déterminer la portion d'options acquise à la cessation d'emploi peut être structurée pour être plus près du marché concurrentiel. Cette approche est présentée dans le tableau ci-dessous :
Manulife

Conclusion

Les conseils d'administration et les dirigeants devraient évaluer et considérer ces approches pour fournir des incitatifs à plus long terme et des directives en matière de détention d’actions plus efficaces. Le plus grand défi concernant les changements est la pression de faire la même chose que les autres. Cependant, un équilibre approprié peut être atteint afin de demeurer proche d'une pratique concurrentielle, tout en avançant vers une meilleure direction. L'engagement auprès des actionnaires et leurs conseillers sera également important, car les programmes de rémunération qui sont différents peuvent être exposés à une plus grande attention.